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Tout a été dit sur le Web et l’hypertexte

Il est couramment répandu que l’hypertexte est né avec le Web, mais le concept trouve son origine dans des temps plus anciens…

Le succès du WWW depuis cette dernière décennie ne doit pas faire illusion : l’hypertexte est un concept envisagé depuis très très longtemps, mais, qui n’a pu être en mis en œuvre que depuis peu.

Mais qu’est-ce au juste l’hypertexte ?

Selon le W3C canal Canada, l’hypertexte est un média textuel contenant des liens entre divers points dans des documents. L’hypertexte permet de naviguer à l’intérieur d’un même document ou d’un document à un autre.

Plus précisément, un document hypertexte est composé d’unités d’information —des mots, des phrases, des paragraphes, etc.—, reliées par une multiplicité de liens. De fait, la lecture d’un hypertexte ne s’effectue pas de façon linéaire : elle place le lecteur devant de nouvelles possibilités d’exploration du sujet.

viel ordinateur

Qui sont alors ces visionnaires qui ont pu imaginer et conceptualiser la navigation hypertexte?

L’utopie du savoir selon Diderot

D’aucuns évoquent Diderot et D’Alembert comme les concepteurs du Web. Diderot est un catalyseur d’idées :

Pourquoi n’introduirions-nous pas l’homme dans notre ouvrage comme il est placé dans l’univers ? Pourquoi n’en ferons-nous pas un centre commun ? Est-il dans l’espace infini quelque point d’où nous puissions, avec plus d’avantages, faire partir les lignes immenses que nous nous proposons d’étendre à tous les autres points ?

Des points, des lignes, des parcours : on a ici la structure abstraite de la Toile. Plus loin, dans l’Encyclopédie :

Un idiome commun serait l’unique moyen d’établir une correspondance qui s’étendît à toutes les parties du genre humain (…). Supposé cet idiome admis et fixé, aussitôt les notions deviennent permanentes ; la distance des temps disparaît ; les lieux se touchent ; il se forme des liaisons entre tous les points habités de l’espace et de la durée, et tous les êtres vivants et pensants s’entretiennent.

Diderot a ainsi sa propre version métaphorique qui le rapproche singulièrement, on le verra plus loin, du Web de Tim Berners-Lee. Poursuivons…

Il était une fois Paul Otlet, l’homme qui voulait classer le monde

En 1934, le Bibliographe belge Paul Otlet, publie le « Traité de documentation » qui demeure un ouvrage de référence en la matière et a été déterminant pour la conception moderne de la documentation, terme dont on lui attribue parfois la paternité.

Dans ce livre, on découvre aussi qu’il a eu, bien avant l’heure, l’intuition d’Internet.

Il imagine le télescope électrique, permettant de lire de chez soi parmi les livres des grandes bibliothèques, des pages demandées d’avance. Ce sera le livre téléphoné :

Ici, la table de travail n’est plus chargée d’aucun livre. À leur place se dresse un écran et à portée un téléphone. Là-bas, au loin, dans un édifice immense, sont tous les livres et tous les renseignements. De là, on fait apparaître sur l’écran la page à lire pour connaître la question posée par téléphone.

Épatant non ? Mais ce n’est pas tout :

En 1938, HG Wells publia « World Brain », une série d’ouvrages sur l’organisation future de la connaissance et de l’éducation, parmi lesquels on trouve un essai intitulé « The Idea of a Permanent World Encyclopaedia ». Il imagine à son tour, un système nerveux (…) réunissant tous les travailleurs intellectuels du monde pour un intérêt commun et par un medium commun (…)

L’auteur de la « La Machine à explorer le temps » s’était-il baladé dans notre époque pour revenir avec l’idée de Wikipedia?

world brain hg wells

Faut pas pousser Memex

Même s’il n’a pas inventé le mot, Vannevar Bush est considéré comme le concepteur de l’hypertexte. En 1945, il publia un essai dans « the Atlantic Monthly » intitulé « As We May Think » décrivant une machine appelée « Memex » qui ne fut jamais construite.

Le Memex était plus qu’un système de dépôt de microfilms. Il s’agissait de pouvoir y stocker des livres, des notes personnelles, des idées, mais surtout, de pouvoir les associer entre elles pour les retrouver facilement.

Il évoquait ainsi déjà les notions de liens et de parcours en prenant pour modèle le fonctionnement du cerveau humain : ces liens devant être équivalents aux liens sémantiques qui relient une idée à une autre.

Le memex est un bureau constituant une collection de documents sur microfilms qui sont projetés sur un écran. Le système offre la possibilité d’ajouter des images aux microfilms et de localiser les enregistrements au moyen d’un codage et d’un système de cellules photo-électriques. Les liens entre les différents documents s’effectuent grâce à des pistes associatives. C’est précisément cette notion qui fait, de Bush, le père de l’hypertexte.

Vannevar Bush

Internet ? Une chose trop grave pour le confier à des militaires

Dans le premier article sur le Knowledge Navigator, nous avons vu que dans son rêve John Sculley, le PDG d’Apple, imaginait « des technologies de télécommunication haut débit qui interconnectent les différents réseaux d’ordinateurs. » Cela existait déjà. Et cela s’appelait déjà l’Internet.

L’Internet est né de la guerre froide qui opposait l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et les États-Unis d’Amérique.

À la fin des années cinquante, le ministère de la Défense américain crée l’Agence pour les projets de recherche avancée (Advanced Research Projects Agency ou ARPA) afin de s’assurer un rôle prédominant dans les domaines technologiques et scientifiques des activités militaires.

Le ministère rassemble alors les meilleurs chercheurs en un groupe d’études chargé d’établir un plan ARPA.

Celui-ci voit le jour en 1966, et en 1968, les militaires lancent un appel d’offres pour concevoir et réaliser le réseau ARPANET. L’université de Californie à Los Angeles (UCLA) se voit alors attribuer le contrat.

En 1969, ARPANET entreprend des recherches dans le domaine de la mise en réseau et met en œuvre l’interconnexion de 4 machines. Rapidement, de nouveaux raccordements furent bientôt ajoutés au réseau, portant le nombre de ces « nœuds » à 23 en 1971 qui monteront à 111 en 1977.

En 1974, TCP/IP (Transmission Control Protocol et Internet Protocol) est créé pour uniformiser le réseau. Ce système est toujours celui utilisé de nos jours.

En 1980, Arpanet se divise en deux réseaux distincts, l’un militaire (MILNET (de l’anglais : Military Network) qui deviendra le DDN (Defense Data Network)) et l’autre, universitaire (NSFnet), que les militaires abandonnèrent au monde civil.

C’est ainsi que naquit ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’Internet.

Mais revenons à l’hypertexte.

Trafalganadu

En 1960 Théodore Holm Nelson (Ted Nelson), alors âgé de 27 ans, étudiant en sociologie à l’université Harvard, imagine le concept d’un système d’information « au bout des doigts » qu’il nomme « Xanadu ».

Nelson conçoit une machine permettant à chacun de stocker des données et de les mettre à disposition de tous en quelques instants.

La machine est une gigantesque base de données dynamique, dans laquelle les utilisateurs viennent piocher, lisent des informations, les classent par thème, insèrent des références mentionnées dans d’autres documents. Toutes ces interventions permettent de générer de nouveaux documents qui peuvent, à leur tour, être insérés dans la base de données commune.

Théodore Nelson invente ainsi le concept d’hypertexte sans jamais pouvoir le mettre en œuvre. Devenu aigri, il passe aujourd’hui le plus clair de son temps à dire tout le mal qu’il pense du Web.

à suivre…

Ainsi, dans le prochain épisode, où nous allons entrer dans l’histoire du Web, vous apprendrez à votre tour, qu’Apple n’a pas inventé grand chose, que la souris fut créée par « Q », l’acolyte de James Bond et que Spiderman n’a jamais existé. Enfin dans le troisième volet on parlera de sémantique et de pâte en forme de lettres.